« J'ai lu et accepte les Conditions d'Utilisation » est le pire mensonge du Web. L’équipe de ToS;DR vise à y remédier. Ceci est la phrase d’exergue que l’on trouve sur le site https://tosdr.org/. Voyons ce que cela implique.
Vous avez peut-être déjà lu sur un forum en réponse à un « RTFM » (Read The F*** Manual) un « TL;DR » (Too Long; Didn’t Read). L’acronyme « ToS;DR » s’en inspire joyeusement, puisqu’il signifie littéralement, « Term Of Services; Didn’t Read ». Et très honnêtement, c’est vrai que les conditions générales d’utilisation (CGU ; Term Of Services en anglais) sont aussi longues et peu passionnantes que « Les Chouans » de Balzac (là, je règle un vieux compte avec Honoré).
Ce très rapide article présente le site ainsi que les extensions proposées par cette équipe (je précise que mon seul lien avec ce collectif est que je suis utilisateur de leurs services).
1. Le service web
Le plus simple est de se rendre sur leur site web https://tosdr.org/. Là, vous avez une zone de recherche on ne peut plus classique, suivi d’une liste de quelques services avec une note allant de A (conditions vraiment acceptables) à E (conditions très peu acceptables). Ces notes sont assorties de quelques éléments de justification avec un code couleur (vert, jaune, rouge, gris) pour indiquer si cet élément est plutôt respectueux de la vie privée (vert), plutôt irrespectueux (jaune) ou complètement inacceptable (rouge) ; la couleur grise étant quant à elle utilisée pour le caractère neutre d’une condition.
1.1 Effectuer une recherche
Au moment de la rédaction de cet article, en faisant une recherche sur le service « Zoom », j’obtiens la note C ainsi que quelques éléments des CGU, par exemple le fait que nos données puissent être revendues, sauf si l’on s’y oppose (cf. Fig. 1).
En cliquant sur un des items, nous obtenons la phrase précise des CGU, ainsi que l’historique de l’évaluation de cette condition (date, auteur, statut de l’auteur, révisions… ; cf. Fig. 2). Il est également possible en cliquant sur le bouton « View All Points on Phoenix ! » d’accéder à la liste complète des conditions annotées.
1.2 La liste des services proposés par défaut
Bien qu’aucune information ne soit fournie pour justifier la présence ou l’absence des services dans cette liste, j’imagine qu’il s’agit d’un savant mélange entre les recherches les plus fréquentes et la volonté de sensibiliser…
Par exemple, au moment de la rédaction, il est possible de constater que des services comme Amazon, Facebook, Reddit, YouTube… sont classés E, que Wikipédia est classé B et que le moteur de recherche DuckDuckGo est classé A.
A priori, j’imagine que personne n’est tombé de sa chaise en lisant ces scores de « bienveillance ». Cependant, il me paraît important de voir comment un service se retrouve référencé dans leur base et surtout comment les CGU sont évaluées, selon quels critères et par qui.
2. L’évaluation des CGU
Bien évidemment, la motivation intrinsèque des fondateurs de ToS;DR est expliquée sur leur site dans la rubrique « À propos de nous », donc je ne vais pas la reprendre (et ce n’est pas long, donc il n’y a pas d’excuses pour ne pas la lire ;-)) et est clairement le partage de l’analyse des CGU des services numériques. Ce qui m’a semblé plus intéressant, c’est la liste des personnes impliquées dans le projet, qui affiche clairement l’éthique de l’équipe qui n’est pas sans rappeler un certain rms (pour celles et ceux qui chercheraient sur Internet qui est rms, ajoutez GNU dans les mots-clés).
2.1 Soumission
Visiblement, n’importe quel internaute peut soumettre un service qui n’apparaîtrait pas dans leur base de données. Il suffit de cliquer sur le lien « Ajouter un nouveau Service ». Cela mène à un formulaire demandant a minima de nommer le service, d’ajouter les noms de domaines relatifs à celui-ci et de fournir les CGU (téléversement ou URL).
Il est également possible de poster un fichier texte contenant les informations sur le service (https://tosdr.org/txt).
Ensuite, le service est tout simplement évalué par les membres de l’équipe et les contributeurs (j’imagine que pour devenir contributeur, il suffit de contacter l’équipe de ToS;DR, mais rien n’est indiqué sur le site).
2.2 Processus d’analyse
Les divers thèmes abordés par les CGU sont analysés isolément et discutés entre les différents contributeurs en vue de leur assigner une étiquette (badge). Les quatre badges possibles sont : « Bon » (vert), « Mauvais » (jaune), « Bloqueur » (rouge) ou « Neutre » (gris).
Une fois que les conditions ont été individuellement évaluées, cela permet de calculer automatiquement le score moyen, aboutissant à une classification en 5 catégories :
- la classe A (vert foncé) dénote des CGU respectueuses de vos données personnelles et bienveillantes vis-à-vis des utilisateurs ;
- la classe B (vert clair) dénote des CGU respectueuses, mais pouvant être améliorées ;
- la classe C (jaune) dénote des CGU acceptables, mais nécessitant de s’y attarder (par exemple, pour savoir comment refuser que les données personnelles soient collectées) ;
- la classe D (orange/marron) dénote des CGU irrespectueuses ou nécessitant d’être prudent lors de l’utilisation du service ;
- la classe E (rouge) dénote des CGU inacceptables.
En l’absence d’éléments d’évaluation suffisants, à l’instar de tout système algébrique, il faut prévoir la classe « qui n’existe pas, mais qui existe » (noir).
2.3 Licéité
Comme vous le comprenez bien, l’évaluation proposée par l’équipe est complètement subjective et s’appuie sur la notion de bien et de mal, avec d’une certaine manière – mais sans que cela soit visiblement assumé – un jugement de valeur sur la bienveillance des services (ceci est mon ressenti, donc un avis également très subjectif).
Il est en effet mentionné sur le site que « Rien ici ne devrait être considéré comme du conseil légal. Nous exprimons notre opinion sans garantie et n'endossons en aucun cas aucun service ».
Ils suggèrent également de « s’adresser à un avocat qualifié pour du conseil légal ». Enfin, ils rappellent que « Lire ToS;DR ne remplace en aucun cas la lecture entière des conditions auxquelles vous êtes lié ».
En clair, ils partagent une opinion communautaire, mais invitent chacune et chacun à se forger sa propre opinion (et pourquoi pas à la partager).
3. ToS;DR au quotidien
Il est clair que nous n’installons pas des applications tous les jours et qu’à choisir, je préfère consulter leur site plutôt que d’aller lire les CGU (et puis comme la confiance n’exclue pas le contrôle, rien n’interdit de lire les CGU pour vérifier si l’équipe de ToS;DR ne raconte pas n’importe quoi).
Cependant, afin de ne même pas avoir besoin de faire l’effort d’aller consulter l’avis de ToS;DR avant d’installer une application, l’équipe a développé des extensions (rubrique « Télécharger les extensions ») pour différents navigateurs : Firefox, Chrome/Chromium, Safari, Opera et MS Edge.
Cette extension ajoute tout simplement une petite icône correspondant à la classe du site en cours de visite (cf. Fig. 3) et lorsque la classe est sujette à caution, une petite fenêtre popup apparaît (cf. Fig. 4). Bien évidemment, aucun message d’alerte n’apparaît si les CGU associées à un site ne posent aucun problème majeur (classes A, B et C).
Conclusion
Pour ma part, je n’installe aucune application dès lors que les CGU me semblent trop intrusives concernant la collecte et l’exploitation de mes données personnelles et j’essaie de sensibiliser ma maisonnée sur les fondements de ce principe. Par conséquent, je me retrouve privé de nombreux outils et services en ligne. Cela contribue également à une forme d’ostracisme et il est de plus en plus difficile d’être inflexible. Je me retrouve de plus en plus face à des réactions de déni et de dédain auprès de mes interlocuteurs.
Le fait d’installer cette extension sur les postes informatiques du domicile a eu un effet inattendu auprès de ma famille, c’est la prise de conscience de la malveillance des grands acteurs du numérique. Du coup, je reste le méchant qui interdit de faire comme tout le monde, mais d’un autre côté, j’agis « en bon père de famille » qui assure la protection de sa famille et l’on me pardonne en partie.
Bref, il me semble que c’est encore une fois une très belle contribution qui partage les valeurs éthiques défendues par rms et consorts sur le partage, le communautarisme et le respect des libertés individuelles.