Nos amis les MOSFET

Magazine
Marque
Hackable
Numéro
12
Mois de parution
mai 2016
Spécialité(s)


Résumé

Ne vous contentez plus des transistors bipolaires ! Les MOSFET sont une de ces merveilles modernes dont vous auriez tort de vous passer. Nous allons aborder les côtés pratiques de leur utilisation au quotidien car, si vous ne l'avez pas déjà fait, vous les adopterez après avoir lu cet article. Ils résoudront certains de vos problèmes et rendront vos montages plus efficaces, alors examinons leurs caractéristiques.


Body

Aujourd'hui, les MOSFET sont partout. C'est un composant fabriqué en quantités industrielles comme les autres donc il est devenu abordable, comme son précurseur bipolaire. On s'en procure facilement, une pièce coûte environ 10 centimes et parfois à peine un centime en achetant des lots en ligne : 10$ pour 1000 pièces, port compris, c'est proche de ce qu'on appelle de la « poussière électronique », car si vous en laissez tomber un, ça ne vaut presque pas la peine de se baisser pour le ramasser.

1. Dessine-moi un MOSFET...

Un MOSFET est un composant qui permet de commuter du courant, c'est-à-dire laisser passer plus ou moins d'électrons entre deux électrodes en fonction d'une troisième. Il peut être vu comme un interrupteur (tel un relais) ou une résistance variable.

Le courant commuté maximal dépend de la taille du boîtier et d'autres caractéristiques, fournies par le constructeur. La référence du MOSFET est choisie en fonction du type d'application, et il existe une très grande variété de modèles. Nous allons nous concentrer sur les applications de faible puissance, avec les boîtiers TO92 ou SOT23 qui sont les moins chers.

  • Les références les plus courantes en boîtier TO92 (avec des pattes, qu'on peut planter dans une platine sans soudure) sont BS170 pour la version canal N (équivalent du NPN), et BS250 pour le canal P (le complémentaire du canal N). Le 2N7000 est une autre référence courante, similaire au BS170, mais avec un brochage différent.
  • Les équivalents en boîtiers SOT23 (boîtier de 3mm à monter en surface) sont BSS138 (N) et BSS84 (P). À notre niveau, le 2N7002 est plus ou moins équivalent au BSS138.
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Fig. 1 : Trois tailles et puissances de MOSFET à canal N. À gauche : SUM110N-09 en boîtier TO263 (100V, 110A, 10mOhm à 10Vgs). Au milieu : BS170 en boîtier TO92 (60V, 0,5A, 1 Ohm). À droite : 2N7002 en boîtier SOT23 (60V, 0,1A à 0,3A).

On trouve des MOSFET plus gros et plus puissants, capables de supporter des centaines de volts et/ou des centaines d'ampères. À l'extrême opposé, les transistors de la famille CMOS (version miniaturisée des MOSFET) constituent aujourd'hui l'essentiel des circuits des ordinateurs actuels et une puce peut en intégrer des milliards. En raison de leur infime dimension, ils ne peuvent commuter qu'un courant ridiculement faible et ne peuvent pas supporter plus de 2V, mais en échange, ils sont hyper rapides.

2. La bête à trois pattes

Un transistor MOSFET discret, tel qu'on l'achète à l'unité, présente trois broches, comme son cousin bipolaire :

  • La source (équivalent de l'émetteur d'un transistor bipolaire) est habituellement connectée directement à la source d'alimentation.
  • Le drain (équivalent du collecteur) est habituellement connecté au circuit à commuter.
  • La grille, qui correspond à la base, contrôle la résistance entre la source et le drain.
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Fig. 2 : À gauche, le symbole d'un MOSFET canal N, à droite le symbole du canal P (une version miroir ou complémentaire). Leur fonctionnement est inversé, mais on les représente normalement avec le sens du courant qui va vers le bas (de la tension la plus élevée à la plus faible). La flèche de tension du canal P est orientée vers le bas, car il travaille avec une tension négative.

On pourrait donc presque remplacer un bipolaire par un MOSFET. Cependant, contrairement au bipolaire, aucun courant ne passe au travers de la grille d'un MOSFET*, car c'est un type de transistor à grille isolée.

* contrairement à ce que suggère la page 90 de Hackable n°7

3. Anatomie d'un MOSFET

Le terme MOSFET signifie en anglais Metal Oxide Semiconductor Field Effect Transistor. Commençons par l'examiner à partir de la fin.

  • Déjà, cela indique que c'est un transistor et c'est réellement une résistance variable. Le mot « transistor » est la contraction de « Transfer Resistor » (résistance de transfert) et un transistor bipolaire se comporte plus comme un amplificateur de courant.
  • Field Effect signifie effet de champ. C'est un champ électrique qui contrôle la résistance du composant. Un peu comme les antiques tubes à vide, les MOSFET sont donc contrôlés avec une tension, par opposition aux transistors bipolaires qui sont contrôlés par un courant traversant leur base. Ils ont donc l'avantage de consommer moins d'énergie et ils peuvent amplifier avec un gain très supérieur. Ils ne dissipent presque pas d'énergie lorsqu'ils sont saturés, même s'il faut une certaine énergie pour y arriver.
  • Metal Oxide Semiconductor représente la succession des couches qui composent le transistor. Une couche de métal (conducteur) est déposée sur une très fine couche d'oxyde (isolant) reposant sur un semi-conducteur (habituellement à base de silice dopé d'impuretés). Dans les circuits intégrés, la couche métallique est aujourd'hui remplacée par du silicium polycristallin, mais le terme Metal est resté.

Plus la couche isolante est fine, plus le champ électrique est intense au niveau du semi-conducteur, et donc plus le transistor sera sensible et il commutera à une plus faible tension. En contrepartie, cela le rend très sensible aux surtensions, en particulier aux décharges d'électricité statique. L'isolant est fragile et il arrive souvent qu'un MOSFET claque pour un oui ou pour un non !

Cela peut se manifester par un court-circuit interne, par exemple, ou une résistance anormale. Pour réduire les chances de destruction du circuit, assurez-vous d'avoir observé toutes les précautions anti-ESD (ElectroStatic Discharge) possibles. Pour commencer, restez connecté à la terre et évitez les vêtements et les chaussures synthétiques. Leurs frottements peuvent générer des tensions hallucinantes, surtout par temps sec !

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Fig. 3 : Ces BS170 sont conditionnés sur une surface conductrice pour éviter l'accumulation de charges électrostatiques qui endommageraient le composant.

4. Utiliser un MOSFET comme une résistance variable

Prenons un 2N7000 (Canal N) et branchons-le tel que le montre le dessin suivant.

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Fig. 4 : Circuit de test des caractéristiques d'un MOSFET N.

La tension entre la source et le drain (notée Vds) est fixée par une alimentation de laboratoire à 10V.

La tension de grille (entre la grille et la source, notée Vgs) est ensuite variée (au moyen d'une autre alimentation) et on mesure le courant qui est débité par l'alimentation 10V. Selon la documentation du constructeur, on devrait obtenir une courbe comme celle-ci :

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Fig. 5 : Courbe de transfert d'un MOSFET-N pour Vds constant, le courant est une fonction de Vgs.

Si la tension de grille augmente trop, le courant deviendra trop important, faisant chauffer le composant. Contrairement à un transistor bipolaire, la résistance d'un MOSFET augmente aussi lorsque le composant est chaud, ce qui augmente encore plus la dissipation et le processus risque de s'emballer, provocant la destruction du composant.

En fait, c'est normal que le composant souffre, car ce montage le connecte directement entre les deux bornes d'une alimentation et toute l'énergie est absorbée par le composant. Cela s'appelle, en d'autres termes, un court-circuit. Comme quoi il ne faut pas recopier bêtement les circuits des datasheets.

5. Utiliser un MOSFET comme interrupteur

Bien qu'un MOSFET soit capable d'absorber plus ou moins de puissance (comme on le verra plus loin), il est préférable que cette énergie soit transmise à une charge qui la consomme : un autre circuit ou un autre composant comme une résistance, une LED, une inductance... Dans ce cas, la charge est connectée en série avec le drain, comme dans le schéma suivant :

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Fig. 6 : En réduisant considérablement sa résistance, le MOSFET permet d'alimenter efficacement une charge résistive.

La commutation avec un canal N vers le 0V est appelée « Low Side ». Les MOSFET N sont plus efficaces et moins chers que les MOSFET P, mais il n'est pas toujours possible ou raisonnable de couper le 0V, cela peut créer de nombreux soucis pour le reste du circuit.

Pour commuter l'alimentation positive et conserver la masse commune, donc en montage « High Side », il faut utiliser un MOSFET canal P, dont la source se retrouvera connectée à Vcc.

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Fig. 7 : Un MOSFET P permet de conserver une masse commune pour tout le montage.

6. Les trois régimes du MOSFET

Ce qui nous intéresse alors est la tension du drain (Vds), car le courant n'est plus critique, maintenant que la charge encaisse la différence de tension (donc consomme l'énergie). Tant que le MOSFET est beaucoup plus conducteur que la charge, la tension à ses bornes reste faible, et comme la puissance dissipée est le produit de la tension et du courant, alors il ne court pas de risque.

Selon la tension entre la grille et la source, le MOSFET sera alors considéré comme étant dans un état bloqué, ohmique ou saturé. Les tensions varient d'un modèle à l'autre, même d'un composant à l'autre en raison des tolérances de fabrication, et bien sûr des caractéristiques de la charge du drain. Les transitions d'un état à l'autre ne sont pas non plus très précises, mais on parle de ces trois régimes de fonctionnement pour simplifier les calculs.

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Fig. 8 : Les trois régimes de fonctionnement dépendent de la tension de grille et de la résistance en série sur le drain.

  • Régime bloqué : à moins de 2V, le MOSFET ne laisse quasiment pas d'électron passer. La résistance entre la source et le drain est presque infinie. Cela correspond à un interrupteur ouvert et la charge n'est plus alimentée.
  • Régime ohmique ou résistif : autour de quelques volts, la résistance est inversement proportionnelle à la tension de grille. Le MOSFET se comporte alors comme une résistance, ajustable grâce à cette tension. Le transistor subit à la fois une tension et un courant et peut donc chauffer.
  • Régime saturé : vers environ 10V, quand l'augmentation de la tension de grille ne se traduit plus par une réduction de Vds, le transistor est saturé. La résistance équivalente peut être une dizaine ou centaine de milliohms selon les modèles, certains peuvent même réduire leur résistance au point d'être considérés comme un conducteur normal. Cela correspond à un interrupteur fermé et la charge est complètement alimentée.

Évidemment, les valeurs indicatives données ci-dessus doivent être vérifiées pour chaque type de MOSFET que vous utiliserez, certains sont optimisés pour de très basses tensions de fonctionnement, d'autres pour de très forts courants...

7. Les effets parasites

Nous avons vu que le MOSFET est une bête à trois pattes. Sous le capot, par contre, il y a une autre zone conductrice dans le sandwich semi-conducteur, qui poserait des soucis si on la laissait flotter. Dans la plupart des cas, cette zone est raccordée à une des électrodes, ce qui rend le composant asymétrique. Sans cette connexion interne, le drain et la source seraient tout à fait interchangeables (comme sur un FET unijonction tel le BF245).

Cependant, la connexion a un autre effet encore plus important. Elle met en contact une zone dopée N avec une zone dopée P, ce qui crée... une diode. La tension de chute dans le sens passant est similaire à une diode classique comme la 1N4148 (entre 0,6V et 0,7V).

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Fig. 9 : Un transistor MOSFET à trois broches se comporte comme un transistor FET à grille isolée, en parallèle avec une diode dite intrinsèque, entre la source et le drain.

Cette diode intrinsèque, ou parasite, a des avantages et des inconvénients à garder en tête. Il faut se rappeler que le courant peut passer dans l'autre sens et perturber un montage. D'un autre côté, elle peut rendre service comme on le verra plus loin.

Pour les rares cas où le courant doit être bloqué dans les deux sens, je n'ai jamais trouvé de MOSFET à 4 broches (sauf pour des applications trop spécifiques dans les hautes fréquences), mais il existe une astuce consistant à mettre deux MOSFET tête-bêche, afin que leurs diodes s'annulent.

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Fig. 10 : Un commutateur idéal est constitué de deux MOSFET identiques, connectés en miroir.

7.1 Capacité de la grille

En électronique, deux électrodes parallèles séparées par un isolant, cela s'appelle un condensateur. De par sa structure, un MOSFET contient un tel dispositif, entre la grille et la zone semi-conductrice.

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Fig. 11 : La structure des MOSFET crée aussi des capacités parasites.

Cela a de nombreux effets, plus ou moins désirables, le plus important étant une sorte d'effet mémoire : le MOSFET conserve l'état passant ou bloqué si on déconnecte la grille. Le courant de fuite est habituellement négligeable et l'état peut persister un certain temps (pour de plus amples précisions, regardez le sketch du fût du canon de Fernand Reynaux).

C'est cet effet qui est mis à profit dans les mémoires dynamiques : la grille est chargée à un potentiel (haut ou bas) et on peut lire l'état en mesurant la résistance. Ce type de transistor est extrêmement petit et le courant de fuite non négligeable, il faut donc relire et recharger la grille plusieurs milliers de fois par seconde (c'est les fameux cycles de rafraîchissement). La plupart des ordinateurs utilisent ce type de composant (souvent assemblés en barrettes) pour constituer leur mémoire de travail.

L'effet mémoire peut créer un problème si le MOSFET est contrôlé par une sortie à 3 états, comme une broche d'entrée-sortie de microcontrôleur. Supposons un instant que vous alimentez un circuit au travers d'un MOSFET N : sa grille « flottera » (et captera tout parasite passant par là) tant que la broche de contrôle du MCU n'est pas à un état défini. Cela se produit à la mise sous tension (quelques millisecondes avant que l'état ne soit configuré par le programme) ou durant une phase de reset. Ne vous étonnez pas si votre montage est alimenté transitoirement, ou même s'il reste allumé !

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Fig. 12 : Lorsque la sortie 3 états est flottante, la résistance de tirage décharge la capacité parasite de la grille, ce qui déconnecte la charge.

La solution consiste à définir cet état par défaut en ajoutant une petite résistance de très forte valeur entre la grille et la source. Typiquement, 1MΩ suffit pour couper le MOSFET quand sa grille n'est plus à un état défini.

Avec l'habitude, cette résistance de tirage devient presque le pendant de l'indispensable résistance de grille d'un transistor bipolaire, avec l'avantage qu'il n'est pas nécessaire de la calculer, on met « environ 1MΩ »tout simplement.

7.2 Pilote de grille pour MOSFET de puissance

Plus un MOSFET doit laisser passer de courant, plus la surface de semi-conducteur et de grille est importante. Si on compte l'isolant, cela forme un condensateur dont la valeur peut atteindre plusieurs nanofarads, et encore plus si on ajoute les autres effets parasites. Par exemple, la capacitance du BS170 est environ 30pF, mais celle du SUM110 peut atteindre 7nF.

Pour les montages qui commutent à très haute fréquence, il faut en plus tenir compte de l'effet Miller, qui se traduit pour nous par des forts courants pour charger la grille, lors des transitions entre l'état passant et l'état isolant. Les transistors de puissance, afin d'être aussi efficaces que possible et dissiper le moins d'énergie, doivent être complètement saturés, à des tensions de 10V ou plus. Certains peuvent réduire leur résistance à quelques milliohms, mais cela nécessite de pomper beaucoup d'électrons de ou vers la grille. Cela se transforme en un fort courant instantané, car plus la transition est lente, plus le transistor sera en régime résistif longtemps et dissipera de l'énergie. C'est très important pour les alimentations à découpage, car il faut hacher le courant à plusieurs dizaines ou centaines de kilohertz !

Des circuits intégrés, appelés « MOSFET driver » ou « power-MOSFET gate driver », ont été conçus pour piloter la grille avec des pics de courant suffisants pour compenser l'effet de Miller et améliorer le temps de commutation. Les pilotes sous forme de circuits intégrés sont souvent très efficaces et ont de nombreux avantages, qui peuvent justifier de les utiliser seuls.

Par exemple, si vous devez contrôler un circuit de puissance moyenne (moins d'un ampère), avec des commutations très rapides (ne durant pas plus que quelques dizaines de nanosecondes), mais la tension de fonctionnement est plus élevée que votre circuit de contrôle, un driver de MOSFET est tout indiqué. C'est une interface très intéressante entre une commande en basse tension et une charge en moyenne tension.

Comment tester un MOSFET inconnu ?

Supposons que vous venez de trouver un MOSFET de type totalement inconnu. Est-il de type P ou N ? Quel est son brochage ? Pour le savoir, et vérifier que le datasheet correspond bien, mettons à profit les deux effets parasites que nous venons de voir.

Puisqu'il n'y a que 3 broches, 6 combinaisons sont possibles. On élimine facilement les mauvaises avec quelques tests au moyen d'un multimètre réglé sur le calibre « diode ».

Pour trouver la source et le drain, il suffit de trouver une chute de tension d'environ 0,6V, correspondant à la diode parasite. Cela implique 3 paires de tests, un test dans chaque sens (car la diode n'apparaît que dans un sens).

Cependant, à cause de l'effet mémoire, si on charge la grille (une chance sur deux), alors le transistor devient passant : on mesure donc une résistance très faible, ou une tension presque nulle, entre la source et le drain. On ne peut pas savoir le sens (puisque c'est symétrique), car la diode parasite est court-circuitée.

Il est donc important, entre chaque test, de court-circuiter les 3 broches entre elles, pour décharger la grille et rendre le transistor bloqué.

Pour trouver le type, c'est simple : regardez si le transistor devient passant si vous chargez la grille positivement ou négativement (inversez le sens des pointes de mesure).

Ainsi, avec un peu d'astuce et de déduction, on peut retrouver le brochage et le type d'un MOSFET avec une demi-douzaine de mesures.

Voici le résumé de la procédure pour trouver la source et le drain :

  • Étiqueter les broches inconnues avec les noms A, B et C,
  • Court-circuiter A, B et C,
  • Mesurer A – B,
  • Mesurer B – A,
  • Court-circuiter A, B et C,
  • Mesurer C - B,
  • Mesurer B - C,
  • Court-circuiter A, B et C,
  • Mesurer A - C,
  • Mesurer C - A.

Une de ces mesures donne 0,6V environ : la source est alors connectée à la sonde positive et le drain à la sonde négative. Par déduction, la broche non testée est la grille.

Si vous trouvez une chute de tension de 0,6V à deux endroits alors c'est probablement un transistor bipolaire...

Ensuite, connectez la sonde + à la grille et la sonde - à la source, puis mesurez la chute de tension entre la source et le drain (la sonde + est déplacée sur l'autre broche). La chute de tension doit être quasiment nulle pour un MOSFET canal N, au lieu d'une très forte résistance.

Pour vérifier si c'est un canal P, inverser les sondes + et - : - sur la grille, + à la source, puis - sur le drain, qui donne une tension nulle (résistance nulle).

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Fig. a : Deux pattes sont court-circuitées par le contact simultané d'une sonde. L'autre patte est amenée à une tension positive par l'autre sonde. On mesure 0,618V avec le calibre diode, on déduit que la sonde positive est la source.

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Fig. b : La sonde négative est connectée à la source, la sonde positive à une des deux autres pattes. Aucun courant ne circule, mais cela charge la grille.

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Fig. c : La sonde négative est toujours connectée à la source, la sonde positive à la dernière patte. Le courant passe avec une faible résistance donc la dernière patte est bien le drain. Si on court-circuite la source et la grille avec l'autre sonde, la résistance doit devenir infinie.

8. Ralentir la commutation pour adoucir les transitions

Nous avons déjà parlé de la nécessité de commuter un MOSFET aussi vite que possible. Cela réduit les pertes en diminuant la durée du régime ohmique. Cependant les transitions extrêmement rapides ont d'autres effets, comme la génération de parasites à haute fréquence qu'il faut filtrer...

La situation est exacerbée lorsqu'on alimente une bobine, par exemple l'électro-aimant d'un relais. Électroniquement, on la modélise par une forte inductance : la mise sous tension n'est pas un souci et le courant augmente doucement, mais l'arrêt crée un pic de tension inverse et dangereux.

La tradition consiste à mettre une diode aux bornes de la bobine pour que le courant inverse recircule dedans. Cette « diode de roue libre » est une solution du type « soigner » au lieu de « prévenir ».

Une autre solution existe : mettre un condensateur en parallèle de la bobine, pour absorber le pic et lisser la tension. Le condensateur doit être dimensionné proportionnellement à la bobine, ce qui augmente les coûts et l'encombrement.

Lorsqu'une bobine est commandée par un MOSFET, celui-ci contient une diode qui peut faire office de diode de roue libre, qui injecte l'impulsion négative vers le rail d'alimentation. Certains MOSFET de puissance ont une diode intrinsèque optimisée pour passer un fort courant, ou même une diode Schottky en parallèle.

Mais pour prévenir, au lieu de guérir, il faut réfléchir autrement. L'énergie du pic de courant inverse est aussi proportionnelle à la vitesse de variation du courant. Pour réduire le pic, il faut donc ralentir la variation. Le gros condensateur en aval peut être remplacé par un minuscule condensateur en amont, au niveau de la commande de la grille.

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Fig. 13 : Une simple cellule RC ralentit la commutation.

Le ralentissement augmente la durée de régime ohmique, mais cela reste transitoire donc tout à fait acceptable pour un transistor suffisamment bien dimensionné, si la commutation n'est pas trop répétitive.

La durée de la transition est facile à calculer avec la formule approximative t=R×C. Dans l'exemple ci-dessus, 1MΩ×100nF = 10^6×10^-7 = 0,1s environ. Ces valeurs sont disponibles en composants CMS ultraminiatures et économiques. Si le MOSFET de contrôle est « gros », comme celui à gauche de la première photo, il n'y a même pas besoin d'ajouter un condensateur en parallèle, une très forte résistance (10MΩ ou plus) peut suffire.

9. Protection contre les inversions de polarité

Lorsque vous concevez l'alimentation de votre circuit, il vous arrive de penser à la protéger avec une diode, afin qu'aucune mauvaise manipulation ne l'endommage. Même avec un détrompeur, on n'est pas à l'abri d'une alimentation branchée à l'envers, par exemple (ça ne sent pas que le vécu...)

Mais voilà, la diode va ajouter 0,7V de chute à l'alimentation, donc cette dernière doit être dimensionnée en conséquence. Si votre alimentation est fixée à 5V, vous n'aurez plus que 4,3V à disposition. Et cette chute n'est pas juste en tension : cela dissipe de la puissance, pour rien.

Heureusement, il existe des diodes à faible chute, en particulier les diodes Schottky, avec une perte plus faible : environ 0,5V au lieu de 0,7, mais cela change en fonction des modèles, de la tension inverse supportée et bien sûr du courant. C'est un peu mieux, mais ce n'est toujours pas une vraie solution.

Un MOSFET peut avoir une résistance presque nulle et peut remplacer une diode. Le coût unitaire est plus élevé, mais la chute de tension est négligeable (si les bons paramètres sont choisis). Et le montage est très simple !

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Fig. 14 : Un MOSFET peut aussi être utilisé comme une « super diode ».

Ce montage n'est pas très intuitif, mais il est très astucieux. En effet, il a l'air de fonctionner à l'envers par rapport aux montages que nous avons vus jusque là. La source est à un potentiel inférieur au drain lorsque l'alimentation est branchée correctement, le courant circule dans le sens inverse de l'utilisation normale pour un MOSFET P.

Pour mieux comprendre, souvenez-vous que le drain et la source sont interchangeables. La polarité est habituellement définie par le sens de la diode intrinsèque, mais ce n'est pas une obligation. Examinons ce qu'il se passe si l'alimentation est connectée alors que le circuit est déchargé.

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Fig. 15 : La symétrie du MOSFET ainsi que sa diode intrinsèque permettent de protéger contre les tensions négatives.

Comme le condensateur est vide, la tension Vgs est nulle et donc le transistor est bloqué. Mais si on fournit une alimentation positive, la diode laisse passer du courant, qui charge ensuite le condensateur. Lorsque la tension a suffisamment augmenté, le MOSFET devient totalement passant et la charge peut alors consommer autant de courant qu'elle veut, avec une perte minimale.

Au contraire, si la tension d'entrée est négative, la diode interne ne permet pas de faire passer le courant. Le transistor ne devient pas non plus passant, car la tension est dans le mauvais sens. Le circuit est protégé tant que la tension de grille ne dépasse pas la limite supportée par le composant.

Le montage fonctionne aussi bien en version « High Side » (Canal P, sur l'illustration ci-dessus) qu'en « Low Side » avec un canal N. Il faut faire attention au sens du drain et de la source, en orientant la diode intrinsèque dans le sens normal du courant.

L'autre inconvénient, en plus du prix, est qu'il faut aussi protéger le MOSFET des décharges électrostatiques qu'il est possible d'observer sur la source, en particulier lorsqu'on branche une alimentation qui n'est pas à la même masse que le circuit.

Enfin, le circuit protège contre les inversions, mais pas contre une chute de tension : le transistor saturé laisse passer le courant dans l'autre sens et si l'alimentation baisse, cela baissera aussi la tension du condensateur de filtrage. Une électronique plus sophistiquée est nécessaire pour transformer le MOSFET en une vraie diode idéale.

10. Couper l'alimentation d'un montage

Les circuits intégrés actuels, tels les microcontrôleurs, se vantent d'une consommation très très faible au repos, afin de prolonger la durée d'utilisation des appareils portables. Un appareil éteint ou en veille ne devrait rien consommer et préserver la charge de la batterie.

Cependant un système électronique ne se résume pas à un microcontrôleur et peu de composants ont un mode de mise en veille. Il faut alors couper leur alimentation, soit sélectivement (au moyen de MOSFET P par exemple) soit en coupant tout, tout simplement.

C'est ce que nous allons voir avec un MOSFET N, qui a une résistance plus faible qu'un MOSFET P équivalent. Dans le système suivant, le microcontrôleur commande la mise sous tension et l'extinction, ce qui coupe toute l'alimentation une fois que le programme à exécuter est terminé.

Tout d'abord, il faut allumer le MOSFET. Pour éviter l'allumage intempestif, sa grille doit être tirée vers la source par une résistance de forte valeur, comme nous avons vu précédemment.

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Fig. 16 : Un bouton poussoir permet d'allumer le montage, mais il faut ensuite le garder allumé...

Une fois le montage mis sous tension, il faut le maintenir dans cet état, car il s'éteindra dès que l'impulsion (qui peut être un contact mécanique fugitif ou tout autre capteur) sera terminée. Le microcontrôleur doit prendre le relais et forcer la grille à l'état haut avec une broche d'entrée-sortie. Cependant, si la broche est connectée directement à la grille, de nouveaux problèmes se posent :

  • Si la broche est forcée à 0 alors que l'impulsion force la grille à +Vbatt, un conflit électrique se produit et peut endommager la broche.
  • Si la broche passe à 0, alors le MOSFET coupe, ce qui remonte le potentiel du niveau '0' du microcontrôleur. Cela se transforme en '1' sur la grille du MOSFET qui redevient passant, ou ne quitte pas cet état.

En fait, on voudrait créer un autre contact en parallèle du premier pour résoudre tous les conflits. Et justement, les MOSFET le font très bien : un MOSFET canal P peut connecter la grille du MOSFET N vers l'alimentation positive.

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Fig. 17 : Un deuxième MOSFET, beaucoup plus petit, remplace le bouton poussoir durant le fonctionnement du circuit.

Le programme du microcontrôleur se déroule ainsi :

  • Dès la mise sous tension, la broche d'entrée-sortie est configurée à l'état 0, soit 0V, et le MOSFET P devient passant, en parallèle du bouton poussoir, ce qui bloque l'alimentation à l'état allumé.
  • Le microcontrôleur remplit sa fonction.
  • Pour éteindre l'alimentation, la broche GPIO passe à l'état 1 ou peut flotter. La grille du MOSFET P remonte à +Vbatt, celle du MOSFET N est tirée à 0 par la résistance, ce qui déconnecte le Vss du circuit. Le microcontrôleur doit alors vider le condensateur dans une boucle infinie qui consomme de l'énergie.

Une fois déconnecté, le montage ne consomme plus rien du tout.

Conclusion

Nous venons de survoler quelques aspects théoriques des MOSFET sous l'angle de l'application pratique. Leur nom peut paraître barbare et leurs propriétés surprennent au début, mais les MOSFET sont vraiment nos amis ! Nous n'utiliserons qu'une petite partie de leurs propriétés, mais vous savez maintenant qu'ils peuvent vous rendre de grands services. Pour vous aider à vous y retrouver quand vous vous lancerez seul, les prochaines pages décryptent le jargon technique et les abréviations obscures que contiennent les datasheets, ces documents denses et exhaustifs, mais incontournables.



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