La définition de stratégies de cyberdéfense est un phénomène relativement récent dans de nombreux pays. Les cyberattaques contre l’Estonie en 2007 ont certainement facilité cette prise de conscience. Le Japon qui fait figure de pays high-tech depuis plusieurs décennies aura quant à lui dû attendre l'accession au pouvoir d'un nouveau parti politique (le DPJ – Democratic Party of Japan), en août 2009, pour qu’une nouvelle stratégie de défense soit formulée dès 2010, marquée notamment par l'introduction de la notion de cyberdéfense. Cette stratégie est fortement contrainte par l’environnement géopolitique immédiat du pays. Montée en puissance des capacités militaires chinoises, menaces de la Corée du Nord, affaiblissement de la puissance américaine dans la région Asie-Pacifique, mais aussi atteintes touchant les grandes entreprises du pays, et enjeux commerciaux avec le géant chinois, sont autant de défis avec lesquels le Japon doit composer. Dans cet article, nous revenons tout d’abord sur les caractéristiques du cyberespace japonais, lequel constitue l’un des objets centraux de la nouvelle politique de défense (§I), puis examinons le nouveau corpus stratégique de la cyberdéfense (§II), tout particulièrement la manière dont celui-ci prend en compte les concepts de cyberespace, cyberattaques, cyberdéfense et cyberguerre.
1. Le cyberespace japonais
L’ancêtre de l'Internet est apparu au Japon au milieu des années 1980, dans le réseau expérimental JUNET qui reliait initialement trois universités de Tokyo à USENET, aux États-Unis [1] . Le développement d’Internet au Japon n’est pas lié au monde militaire. Le Japon, pays qui fit rêver les auteurs de science fiction (c’est au Japon que se déroule une partie de l’action du célèbre roman de W. Gibson, Neuromancer, publié en 1984 [2]), n’est pourtant pas l’un des plus dynamiques dans le développement initial de cette technologie. L’introduction du Net dans la société s’est faite de manière relativement lente : en 1999, seulement 25 % des Japonais disposent d’un ordinateur personnel ; 20 % de la population a accès à un Internet à faible débit et cher [3]. En 2003, la situation a déjà évolué rapidement puisque 40 % de la population accède à un Internet haut débit. Ceci s’explique par la mise en concurrence...
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