Usages et évolutions des cryptomonnaies : où en sommes-nous aujourd'hui ?

Magazine
Marque
Linux Pratique
Numéro
126
Mois de parution
juillet 2021
Spécialité(s)


Résumé

Il y a 3 ans, j’écrivais dans ces colonnes un article de présentation sur les monnaies cryptographiques [1]. Dix ans après son invention, le premier prototype du genre (le Bitcoin) atteignait les 4000 € suscitant un intérêt probablement plus soutenu que ne l’avait espéré son mystérieux créateur. Cette année, la valeur du Bitcoin s’est installée presque un semestre au-dessus des 40 000 € (pour avoisiner les 30 000 € au moment de la rédaction de cet article). De lente montée en pics vertigineux (to the moon!) revenons sur ce qui fait le succès de ce logiciel libre qui devait transformer la société, mais aussi sur ses limites, ses alternatives et leurs usages comme les NFT (Non Fungible Tokens).


Body

1. Le Bitcoin, un notaire électronique

1.1 Principes

Le Bitcoin, faut-il encore le présenter, est une monnaie numérique, sans pièces ni billets. Elle se présente comme l’argent d’un prêt bancaire : des nombres sur écran. Les deux sont intangibles et créés à partir de rien, ou presque. Pour la banque, l’argent est créé contre une promesse de remboursement jugée suffisamment crédible par l’établissement, pour le Bitcoin, la création s’opère à l’issue d’intenses calculs informatiques. Dans les deux cas, c’est la confiance des utilisateurs dans le système concerné qui fait tenir le château de cartes, dans les deux cas, il ne s’agit que d’une écriture dans un registre. Et dans les deux cas, vous ne pouvez pas venir réécrire le registre à votre guise. Puisque les erreurs de la banque (en votre faveur) sont rares, les commerçants leur font confiance quand vous proposez d’acheter un produit par carte de crédit.

Puisqu’il est potentiellement impossible de changer l’historique des opérations réalisées en Bitcoin, de plus en plus de gens accordent leur confiance à cette monnaie aussi. Les transactions réalisées en Bitcoin sont inscrites, par blocs successifs, dans un historique commun à tous les utilisateurs de cette monnaie. Plusieurs fois par heure, un nouveau bloc est proposé pour agrandir la « Blockchain », cet historique partagé. Un bloc est adopté s’il y a suffisamment d’utilisateurs qui l’acceptent (c’est-à-dire le reconnaissent comme authentique) en le signant numériquement (en pratique c’est un logiciel qui le fait pour eux). Avec environ 400 000 utilisateurs quotidiens, pour environ 200 millions de portefeuilles existants, l’opération peut prendre plusieurs dizaines de minutes, mais une fois le bloc ajouté à la chaîne, plus question de revenir dessus.

Si on considère que le rôle d’un notaire est d’attester une transaction, on constate que la Blockchain permet d’arriver rapidement au même résultat, de manière aussi fiable aujourd’hui, puisque les signatures sont elles aussi électroniques de nos jours chez les notaires.

Alors, un avantage certain du Bitcoin sur ces institutions, c’est que chacun est libre de faire tourner sur son propre ordinateur un logiciel de portefeuille Bitcoin, qui aura une place à part entière dans le réseau. Comme tout service internet digne de confiance, le Bitcoin est décentralisé et libre. Il ne présente pas d’autre barrière à l’entrée que celle de réussir à faire fonctionner le logiciel sur sa machine. Et encore, en pratique, de nombreuses plateformes commerciales proposent de vous créer un portefeuille en quelques clics, et les lois se renforcent dans le domaine, en vous imposant d’uploader votre carte d’identité s’il s’agit d’acheter ou de vendre des cryptomonnaies avec l’argent des banques centrales.

1.2 Usages : bancaire rapide et international, spéculation

Le Bitcoin a mis des années à avoir une valeur marchande. C’était le pari le plus osé de l’aventure et c’est venu presque par hasard, avec une pizza achetée en Bitcoin en mai 2010, pour la modique somme de 10 000 BTC (soit 300 millions d’euros aujourd’hui). Ce passage dans le concret a attiré beaucoup d’attention, et nombreux furent ceux qui comprirent qu’au-delà des pizzas, une monnaie cryptographique offre bien d’autres promesses. À commencer par celle de se passer des banques. Avec le Bitcoin, il n’y a plus besoin d’intermédiaire pour effectuer une transaction économique.

Si vous payez votre pain avec du liquide, il n’y a aucun intermédiaire entre le boulanger et vous. Si vous choisissez au contraire de le payer par carte bancaire, vous devenez tributaire de l’entreprise américaine qui gère le service de paiement dématérialisé en question et de la banque qui vous le revend. Du coup votre boulanger perd en moyenne 5 % en commissions et votre banque vous facture (sauf cas particulier) la mise à disposition de ladite carte. Un paiement en Bitcoin est de ce point de vue plus proche d’un paiement en monnaie fiduciaire (pièces et billets) que d’un paiement en monnaie scripturale (chèques, cartes à paiement différé), bien qu’il permette des transactions internationales, sans surcoût, quand il est devenu inconfortablement illégal de nos jours de traverser les frontières avec des valises pleines de billets.

Mais outre les politiciens qui vont de la Libye au Luxembourg ou les saisonniers du cannabis à Laytonville (Californie) qui trouvent un intérêt certain à traverser les frontières les poches vides et des mots de passe plein la tête, de plus en plus de personnes se tournent vers le Bitcoin et les autres monnaies cryptographiques pour leurs performances économiques saisissantes.

En effet, si j’avais investi la rémunération de mon article de 2017 [1] en Bitcoin, j’aurais pu faire fructifier mon capital de 350 %, loin des 0,5 % d’un livret A, des 5 % d’un investissement immobilier ou même des 10 % du célèbre fond Madoff. Et encore, si la perspective d’un tel rendement est encore trop éloignée pour vous faire tourner la tête, songez qu’une cryptomonnaie alternative au Bitcoin, l’Ethereum, a connu une progression avoisinant les 1000 % au cours des 6 derniers mois. Il n’est d’ailleurs pas rare que les prestataires en ligne de portefeuille Bitcoin proposent, de base, une rémunération annuelle de 3 à 4 % de leurs comptes en Bitcoins. C’est à la fois impressionnant par rapport à une banque traditionnelle et parfaitement anecdotique par rapport à ce qu’un trader averti peut cumuler comme gain en achetant à la hausse et en vendant à la baisse.

L’opération n’est toutefois pas un jeu d’enfant. Tout d’abord, il a été décidé que les portefeuilles actifs validant les transactions en Bitcoin seraient récompensés par un petit pourcentage (de l’ordre du millionième) de la valeur de la transaction. Il est d’ailleurs possible de choisir de cette valeur de financement du réseau, et donc d’obtenir une transaction plus rapidement validée si on l’assortit d’une plus grosse récompense. Avec une récompense de l’ordre de l’euro, une transaction a donc toutes les chances d’être validée en quelques minutes, ce qui relègue assez loin les virements SEPA proposés par les banques européennes. Ces derniers prennent en effet 24h selon la norme, et parfois une deuxième journée (en fonction de la politique de votre établissement bancaire en matière d’heure limite d’enregistrement de la demande de virement par exemple), voire 3 jours s’il y a un week-end au milieu. Les virements SEPA « instantanés » commencent à voir le jour, dans la plus grande confusion, parfois gratuits si l’argent ne sort pas de la banque, ou coûtant de 30 centimes d’euros à près de 2€ suivant les établissements. Dans ce domaine, il est assez clair que la concurrence du Bitcoin a sorti le système bancaire du formol.

Mais d’autres embûches attendent le trader, le cours est en effet difficile à prévoir ballotté au gré des investissements de milliardaires (qui pèsent tellement que leur moindre mouvement peut faire exploser le cours, comme on l’a vu au printemps avec un achat massif de Bitcoin par Elon Musk), et des déclarations inquiétantes d’États puissants cherchant à réguler ce marché. Une déclaration du président chinois Xi Jinping peut effectivement avoir un effet inversement proportionnel aux tweets d’Elon… Un exemple de trou d’air, le 19 mai 2021 dernier, le cours de l’Ethereum (une autre cryptomonnaie présentée plus loin) est passé de 2800 € à 1650 € en l’espace de quatre heures (et a été complètement divisé par deux en une journée).

Enfin, les prestataires prennent eux aussi leur pourcentage à chaque opération. Le jeu attire toutefois de plus en plus de monde, car les courbes sont globalement favorables. On peut imaginer que cela reste le cas tant qu’il y aura plus de gens à initier que d’utilisateurs confirmés, que les lois nationales ne s’attaqueront pas au phénomène et que la bulle spéculative continuera à attirer du monde.

À ce propos, il est possible d’y voir le fonctionnement d’une bulle spéculative, le Bitcoin n’ayant qu’une faible valeur intrinsèque : le prix de l’électricité consommée par la machine ayant tourné dans le vide pour « miner » les unités.

1.3 Critiques et limites

Comme on vient de l’évoquer, l’élément qui a historiquement donné sa valeur au Bitcoin, c’est le mining. La « découverte » d’un bloc de Bitcoins. Les premiers Bitcoins mis en circulation ainsi avaient donc au moins la valeur de l’électricité consacrée à calculer des trucs compliqués pour rien. Cela n’a pas tout de suite séduit les foules comme concept, et cela continue d’être vertement critiqué. L’écosystème du Bitcoin consommerait aujourd’hui 600 000 fois plus d’énergie par transaction que celui des cartes bancaires. On peut comprendre, en partant de là, qu’il ait fallu attendre 3 ans avant que le cours du Bitcoin n’atteigne un dollar, et encore, avouons-le, je n’avais pas parié que le concept prendrait.

Toutefois, ces calculs énergivores ne sont pas totalement inutiles puisqu’ils permettent au passage la vérification des transactions et pour ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain, de nombreuses cryptomonnaies alternatives se proposent de ne garder que cette partie utile, en proposant d’autres moyens de répartir la création monétaire.

Malheureusement, il se trouve qu’à court terme, dans les pays émergents (comme en Asie où dans le centre de l’Afrique) où l’électricité est peu chère, car de gros moyens de production ont été mis en place pour encore peu de consommation par abonné, c’est rentable de faire tourner des « radiateurs électriques » vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Si on ajoute à cela l’envolée des cours du Bitcoin, on peut comprendre que de nombreuses personnes continuent de faire tourner des ordinateurs dans l’espoir de découvrir des Bitcoins. Ces derniers sont trouvés par blocs eux aussi. Au début, un bloc découvert créditait votre compte de 50 Bitcoins. Mais plus il y a de Bitcoins mis en circulation, moins ce montant est élevé et il a déjà été divisé par 2 à deux reprises (le tout étant documenté depuis le début bien évidemment). Un bloc rapporte aujourd’hui 12,5 Bitcoins, mais comme la valeur de chaque unité a été multipliée par cent dans le même temps, l’opération ne cesse d’attirer de nouveaux adeptes. Il est toutefois anticipable qu’une fois l’intégralité des jetons découverts l’attention se porte vers des monnaies alternatives offrant encore la perspective économique des gains de mining. La collection des 21 millions de Bitcoins connaîtra elle d’intenses spéculations entrant dans le champ des collectionneurs, mais nous reviendrons sur ce phénomène dans la partie réservée aux NFT.

Pour répondre à un maximum d’usages malgré un nombre de jetons limités, le créateur du Bitcoin a misé sur la possibilité de subdiviser les Bitcoins, non pas en centimes (en centièmes d’unités), mais en « satoshi » (du nom du créateur) soit en cent-millionièmes. Malheureusement, plus la valeur du Bitcoin prend de zéros devant la virgule plus les subdivisions perdent en précision. Toutefois l’économie tourne en pratique très bien avec une comptabilité en centimes seulement, ce qui laisse de la marge dans le cas du Bitcoin.

Il y a d’autres critiques que l’on peut faire au Bitcoin. Il est, par exemple, réservé aux personnes disposant d’un terminal numérique (ordinateur ou ordiphone) et dans le cas d’une installation complète de portefeuille Bitcoin sur sa machine, aux personnes capables d’en faire un usage assez avancé. Pour un moyen d’échange entre les gens, ça exclut encore beaucoup de monde. De ce point de vue, le système renforce certaines inégalités (quand on sait qu’un quart de la population du Portugal et qu’un tiers de la population grecque n’avait pas accès à l’Internet en 2019, ce qui fait de grosses proportions d’illectronisme de fait) et que celles qu’il gomme (transactions monétaires internationales) profitent aujourd’hui surtout aux acteurs déjà dominants (ravis de voir émerger des autoroutes de l’évasion fiscale).

Toutefois, et c’est également une critique qui est faite au Bitcoin, il n’a pas été conçu pour être anonyme. Fonctionner à cœur ouvert permet au système d’inspirer confiance, mais dès qu’une identité est plaquée sur un porte-monnaie, c’est l’intégralité de ses transactions qui sont identifiables, or tout l’historique est présent sur le net (c’est ça la Blockchain). Cet aspect devrait permettre au fisc de faire son travail en cas de besoin, mais échoue à présenter le Bitcoin comme un véritable équivalent à la monnaie. Utiliser le Bitcoin en protégeant sa vie privée demande un peu plus d’efforts.

Enfin, après s’être émerveillé des propriétés de ce nouveau concept informatique pendant plus d’une décennie, ce premier prototype grand public commence à montrer des signes de faiblesse. En effet, la blockchain, cette donnée écrite et partagée par les utilisateurs s’agrandit à chaque nouveau bloc de transactions, son augmentation est exponentielle, or elle pèse déjà 350 Go. Cette taille pose en soi certaines difficultés (de stockage, de transfert…) relevant la barrière à l’entrée pour les utilisateurs qui veulent héberger leur propre portefeuille, mais de plus sa croissance est en même temps limitée par le système. En effet, il faut du temps pour enregistrer et valider un nouveau bloc de transactions. Ce temps se compte aujourd’hui en minutes (plusieurs dizaines de minutes pour les transactions sans grosse rémunération du réseau), ce qui limite grandement le nombre théorique maximum de transactions par seconde du Bitcoin, qui est alors comparé aux acteurs en place Visa ou Western Union. Le premier traite actuellement 1500 fois plus de transactions par jour, et le deuxième offre des frais de service qui constituent un plafond pour ce que les utilisateurs du Bitcoin acceptent de dépenser en frais de transaction. Or garder le Bitcoin concurrentiel tout en visant une montée en charge qui permettrait de tutoyer Visa n’est pas un problème aisé quand il s’agit de rester rétrocompatible avec la Blockchain originale.

C’est une des raisons de l’existence de nombreuses alternatives au Bitcoin (Bitcoin Cash, Bitcoin XT, Bitcoin Gold…), chacune proposant un autre compromis dans les paramètres de fonctionnement du système, et chacune se perdant dans l’ombre du pionnier, qui reste pour beaucoup confondu avec le concept de monnaie cryptographique. Il est en effet difficile de réaliser que les monnaies cryptographiques sont un travail en cours et encore en pleine évolution, alors que de nombreuses personnes investissent déjà dedans comme si c’était un placement fiable et robuste.

Or le Bitcoin reste la porte d’entrée dans ce domaine, et plus le Bitcoin est connu, plus il a d’utilisateurs potentiels, puis avérés ce qui renforce l’outil comme l’annoncent les lois de Sarnoff, de Metcalfe ou de Reed qui lient la valeur d’un réseau à son nombre d’utilisateurs. Si dans la première l’utilité d’un réseau est représentée par une fonction linéaire entre réseau et nombre d’utilisateurs, pour Metcalfe sa valeur est proportionnelle au carré du nombre des utilisateurs, et le poids du nombre d’utilisateurs augmente encore si l'on considère la loi de Reed, selon laquelle l’utilité d’un réseau croît exponentiellement avec sa dimension. Sur un marché concurrentiel entre cryptomonnaies, les effets de réseau mènent pour l’instant à un effet qualifié de winner takes all puisque du fait des rendements croissants de l'attractivité, un acteur capture presque l'ensemble du marché considéré.

Son cours se renforce donc et il faudra encore plusieurs années pour qu’autre chose prenne le dessus (malgré de meilleures caractéristiques techniques). Plus généralement, la valeur des monnaies cryptographiques, elle, ne s’écroulera que si on arrête d’avoir besoin d’enregistrer des transactions. Or l’humanité a inventé et utilise l’écriture pour tenir des livres de comptes au moins autant que pour philosopher ou faire de la recherche...

2. Monnaies cryptographiques alternatives

Le succès du Bitcoin a inspiré de nombreux développeurs et chercheurs d’or numérique. On dénombre aujourd’hui plus de 5000 monnaies par chiffrement basées sur une chaîne de blocs pour une capacité de marché totale de l’ordre de 2000 milliards d’euros. Puisqu’une fois de plus c’est l’attention que les humains portent à un sujet qui lui donne sa valeur, chacune tente de se détacher du lot par une caractéristique marquante. Certaines promettent une parité avec l’or, des transactions très rapides ou encore anonymes… Pour la suite, je vais me limiter à deux monnaies, développées elles aussi sous la forme de logiciels libres et disponibles sous GNU/Linux.

2.1 Ethereum

De nombreuses monnaies cryptographiques gardent un fonctionnement basé sur celui du Bitcoin, cherchant à s’éloigner le moins possible de ce qui fonctionne et inspire chez le précurseur. Historiquement, la première alternative ayant fait parler d’elle fut le Litecoin, en 2011, originalement développée avec l’objectif de limiter l’impact énergétique en remplaçant les calculs inutiles et coûteux en CPU par des calculs inutiles, mais plus coûteux en mémoire RAM qu’en calcul CPU. L’effort est louable, mais le changement de paradigme léger.

D’ailleurs les utilisateurs ne s’y sont pas trompés, et si le Litecoin existe toujours, ce n’est pas cette monnaie qui est aujourd’hui pressentie pour remplacer le Bitcoin. Le meilleur concurrent n’est autre aujourd’hui que l’Ethereum. Derrière ce nom latinisant se cache une monnaie par chiffrement élaborée en 2014 par le russe Vitalik Buterin et clairement plus évoluée que le Bitcoin.

À nouveau, de gros efforts ont été faits pour permettre de découvrir les premières pièces avec un matériel conventionnel (l’ordinateur que vous avez chez vous), permettant un décollage de la valeur sans imposer la mise en place de grosses fermes de calcul. Les calculs inutiles ont été calibrés pour être réalisés sur une grosse carte graphique, et un matériel dédié est compliqué et coûteux à réaliser. Il s’agit pourtant bien d’une monnaie dont la création est basée sur une preuve de calcul (le résultat d’un gros calcul sans autre but). Certaines monnaies ont proposé une création à base de preuve de présence, les nouveaux jetons étant distribués aux portefeuilles connectés, de preuve de fortune avec un mécanisme d’intérêts simples, de preuve d’existence (comme la June) où ce sont les humains reconnus comme tels qui créent la valeur.

Mais là où l’Ethereum se distingue, ce n’est pas sur ses Ethers à proprement parler, mais sur la variété des utilisations possibles de sa chaîne de blocs. Ethereum permet en effet bien plus qu’un simple enregistrement de transaction d’ordre monétaire. Cette chaîne de blocs peut en effet contenir des SmartContracts, elle permet d’établir des contrats dont l’état dépend du paiement effectif, et est librement consultable comme l’est la chaîne de blocs elle-même. Là où le Bitcoin est un historique de quelle adresse donne quelle somme à quelle autre adresse, Ethereum propose également un historique de contrats élaborés, sous forme de petits programmes, conditionnels et itératifs.

Cette fonctionnalité ouvre la porte à bien d’autres applications comme un « Airbnb autonome », en proposant d’équiper les logements visés de serrures contrôlées par un contrat Ethereum. En pratique, cela fait de la chaîne de blocs Ethereum le réceptacle de nouvelles innovations. Au lieu de prendre le risque de lancer une nouvelle monnaie pour proposer une nouvelle fonctionnalité, les nouveaux usages s’installent dans la Blockchain Ethereum. Ainsi, Visa a annoncé en avril dernier qu’il est désormais possible de payer directement via son réseau en USD Coin, un stablecoin adossé aux dollars américains et dérivé de la Blockchain Ethereum. Cette annonce a grandement participé à l’envolée du cours de l’Ethereum pendant la même période.

On peut également citer le cas des jeux vidéos qui proposent d’acheter des objets in-game en utilisant une monnaie manipulée par le jeu, mais basée sur la Blockchain Ethereum comme The Sandbox, ou encore d’acheter des objets uniques dans le jeu en Ethers et dont le propriétaire est identifié via la Blockchain Ethereum (comme Blankos Gameplay).

Les SmartContracts sont une telle avancée dans la technologie des registres distribués que l’équipe de développement du Litecoin a lancé une mise à jour audacieuse de ses clients il y a quelques années en ajoutant cette fonctionnalité à leur chaîne de blocs. Toutefois, tout le monde n’a pas forcément mis son client à jour et une attitude suiviste n’est pas récompensée dans l’univers des cryptomonnaies.

De leur côté, les développeurs d’Ethereum ne restent pas les brais croisés et préparent une mise à jour majeure de cette monnaie : Ethereum 2.0. Ethereum va désormais s’étaler sur une chaîne de chaîne, avec des masternodes (ou validateurs se synchronisant via la chaîne centrale). C’est au prix de ce double niveau de validation, et donc de l’abandon d’une structure plate et égalitaire, que la rapidité des transactions pourra être maintenue malgré une grosse montée en charge. Le mode de création monétaire va également être complété par une preuve de présence (proof of stake), c’est-à-dire qu’il faudra dans Ethereum 2.0 conserver vos Ethers pendant un certain temps, un peu comme dans un compte à terme sur un portefeuille connecté au réseau pour recevoir de nouvelles unités. Enfin, les possibilités de programmation d’un SmartContract seront également renforcées.

Le processus de déploiement de cette nouvelle version est divisé en 5 étapes intermédiaires et a déjà commencé. La 1ère étape a une durée indéfinie, puisqu’il s’agit d’une souscription gigantesque, sous la forme d’un appel à candidatures pour devenir l’un des prochains nœuds validateurs. Un pari risqué (mais audacieux) qui commence par l’investissement de 32 Ethers à conserver dans un portefeuille connecté (soit ~64 000 € au moment de la rédaction de cet article). Plus de la moitié des 524 288 Ethers qui seront rassemblés ainsi a déjà été collectée, en 6 mois à peine !

Le passage d’une preuve de travail (gaspillé) à une preuve de présence en ligne est indiscutablement un bon point pour le climat, mais là encore, les espoirs qu’on pouvait placer dans ces monnaies cryptographiques en termes d’égalité des chances s’envolent, puisque la création de richesse sera désormais réservée aux plus riches.

2.1.1 NFT (Non Fungible Tokens)

Le buzzword à la mode est incontestablement NFT. Cet acronyme signifie « jeton unique » ou irremplaçable. Il s’agit de jetons de cryptomonnaies uniques et identifiables, comme un billet avec son numéro de série. Mais comme un billet personnalisable, où vous auriez choisi ce qui est imprimé dessus. Par exemple, une photo que vous auriez prise vous-même et que vous revendiqueriez comme une œuvre d’art (comme une photo ayant gagné un concours photo). Ce billet unique aurait alors une existence bien à part des autres billets de banque, il serait probablement encadré et exposé, chez un collectionneur… Un NFT c’est ça, c’est un fichier numérique (donc du texte, une photo, une vidéo ou une référence d’objet dans un jeu vidéo), encapsulé dans un bloc de contrat de la chaîne Ethereum, et dont le propriétaire est connu, identifié par son paiement.

Le but du mécanisme est de gérer ou de créer de la rareté. De transformer des fichiers numériques duplicables à l’infini en objets concurrentiels. Ainsi, une épée légendaire achetée dans un jeu vidéo de type « pay-to-win » peut n’être proposée qu’en un seul exemplaire à l’ensemble des joueurs qui se la revendront entre eux. En pratique, les éditeurs de jeux proposent plusieurs exemplaires, mais un nombre limité, et toujours en pratique, plusieurs jeux vidéos ont décidé d’être interopérables au niveau des artefacts NFT.

Cette nouvelle fonctionnalité des cryptomonnaies ouvre une nouvelle porte de spéculation sur Blockchain, et comme toujours les acteurs prêts à vendre du rien (ou presque) – ici un droit de « propriété » sur une copie identifiée de fichier numérique (embarqué dans une Blockchain) – se bousculent au portillon.

Tout a commencé quand les CryptoKitties, des chatons NFT évoluant dans un jeu vidéo de type Tamagotchi ont débarqué sur la Blockchain Ethereum, une initiative qui a suscité des passions (la prévalence de la toxoplasmose dans la population humaine n’étant peut-être pas étrangère au phénomène) et a généré 12 millions de dollars d’investissement auprès l’éditeur du jeu. On peut ensuite noter l’initiative du fondateur de Twitter consistant à vendre aux enchères un NFT de son premier tweet : « just setting up my twttr », message émis le 21 mars 2006 via la plateforme web de microblog qui allait le rendre célèbre. Ce simple texte, reproduit ici, mais vendu sous forme de NFT avec propriétaire unique et identifié s’est vendu 1630 Ethers, soit 2,9 millions de dollars au moment de la vente. L’acheteur qui a déboursé une telle somme est un collectionneur averti dans le domaine, puisqu’il est lui-même gérant d’une compagnie d’investissement dans la Blockchain basé en Malaisie (il s’agit de M. Sina Estavi, gérant de la compagnie Bridge Oracle).

Et le record de vente de NFT est détenu par un artiste, Beeple, avec une vente à 6,6 millions de dollars pour une image représentant un Donald Trump couché sur le ventre recouvert de tatouages évoquant des tags aux messages immondes en modélisation 3D. Quand on croise le pire des deux mondes : la spéculation sur une rareté artificielle d’un côté et le marché de l’art de l’autre, on arrive vite à ce genre d’aberrations. Les monnaies cryptographiques devaient changer le monde, et en fait, le monde a changé les monnaies cryptographiques pour pouvoir continuer comme avant.

2.2 La Ğ1 (June)

Pour finir sur une note d’espoir, parlons d’une spécificité française, la monnaie libre ! À l’instar du logiciel, des critères ont été définis pour caractériser une monnaie libre, et ils sont exposés sur Monnaie-Libre.fr. Sont nommés monnaies libres les systèmes monétaires dans lesquels la monnaie est créée à parts égales par chaque être humain par le biais du dividende universel.

Le premier exemple de monnaie compatible est la Ğ1 (pour Génération Une, aussi prononcé puis écrit June). C’est une monnaie techniquement basée sur une Blockchain avec donc la même fiabilité, mais dont la création monétaire est réalisée par « preuve d’humanité » ou « preuve d’existence ». Il suffit d’ouvrir un portefeuille et de se faire reconnaître comme humain par 5 membres déjà certifiés pour recevoir un dividende universel (qui représente actuellement ~10 junes par jour). Cette monnaie libre se différencie donc des « monnaies dette », dans lesquelles la monnaie est créée par quelques banques privées par le biais du crédit bancaire, et des « monnaies locales » qui sont adossées, à parité fixe, à l’Euro.

L’objectif de cette monnaie est donc de mettre en place une forme de revenu universel, ou de revenu de vie, en constatant que ce sont les humains vivants qui créent de la richesse, et de proposer un modèle où cette richesse soit également répartie entre les humains. Alors certes, certains humains travaillent plus que d’autres, mais est-ce qu’un système où l’héritier d’une grande fortune peut voir son capital s’accroître de plusieurs millions dans la nuit du décès de son père et avant sa première prise de poste représente une meilleure répartition de la création de richesse ? Qu’a-t-il créé cette nuit-là pendant son sommeil ?

La June part au contraire du principe que la valeur est toujours relative à l’observateur, nul besoin de gaspiller de l’électricité pour ça. Toutefois, on ne retrouve pas de June sur les plateformes d’échange en ligne, cette monnaie n’a de valeur que pour ceux qui lui en donnent. C’est ainsi qu’on retrouve cette monnaie dans les SEL (systèmes d’échanges locaux), dans des G-Marchés (marchés de producteurs, où des circuits courts peuvent s’établir entièrement en June), ou sur GChange.fr un site de petites annonces en June. Les initiatives ne sont plus pilotées ici par une entreprise ou un grand manitou, mais fusent de la base.

D’un point de vue technique, le réseau est rapide étant étagé, depuis sa création, comme l’Ethereum le sera bientôt, avec une notion de portefeuille simple, et de nœuds vérificateurs. Le statut de nœud vérificateur est par contre lui ouvert à tous, un peu à l’image des nœuds de sortie du réseau Tor, que chacun peut héberger.

Lancée depuis 4 ans, cette première monnaie libre compte environ 10 000 portefeuilles pour 3200 membres certifiés (et touchant le dividende universel). Un succès compte tenu du projet politique porté par la technique et qui s’explique aussi par le soin porté à faciliter l’accès à ce service. En effet, pour créer un portefeuille en June, il suffit d’installer une WebExtension nommée Cesium dans son navigateur et de se créer un profil. Le logiciel encourage grandement l’utilisateur à consigner son mot de passe d’accès (car il n’y a pas de méthode de récupération), mais l’ensemble n’est pas plus compliqué que la création d’une adresse de courriel, de quoi attiser bien des curiosités cet été !

Un enthousiasme que les créateurs se permettent même de modérer, loin des discours dithyrambiques habituels dans le domaine :

« Allez-y mollo ! La Ğ1 est un projet récent (elle est née en mars 2017). Considérez la Ğ1 comme une expérimentation grandeur nature. Ne mettez pas tous vos espoirs dans la Ğ1. Il est possible que vous trouviez quelques avantages à utiliser la Ğ1, mais en aucun cas la Ğ1 ne résoudra tous vos problèmes. »

Conclusion

Comme nous l’avons vu, les monnaies par chiffrements imprègnent de plus en plus la société, ayant fait la preuve de leur utilité et de leur robustesse. Et pour cause, elles s’appuient sur de solides bases algorithmiques et ne sont que la partie émergée de l’iceberg sur lequel les développeurs de la Blockchain ont mis le pied. De nombreux autres usages seront probablement encore trouvés à une structure de donnée en registre distribué, comme les SmartContracts de l’Ethereum sur lesquels les NFT sont adossés. Les idées ne manquent pas dès lors qu’on dépasse le réflexe spéculatif. Et je vous accorde qu’avec les NFT, on n’est pas allé bien loin avant de retomber dedans...

Toutefois, nous avons vu que la monnaie dominante aujourd’hui (le Bitcoin) n’est en fait que le premier jet autour du concept de Blockchain, l’aîné d’une famille toujours plus nombreuse des monnaies cryptographiques. À tel point qu’il devient compliqué de savoir à qui s’adresser pour se lancer dans le domaine.

Ce fourmillement renforce la position dominante du Bitcoin qui poursuit sa route en tant qu’incarnation du concept, mais il semble toutefois évident qu’il sera difficile au Bitcoin de maintenir des délais de transactions suffisamment courts dans un avenir proche, avec la montée en charge de cet écosystème, les frais de transactions, gonflés pour tenter de prioriser certaines transactions flirtant déjà avec les tarifs de la concurrence (Western Union). Or le plafonnement de ces récompenses aux « mineurs » de la monnaie et la finitude du nombre de Bitcoins trouvables par mining, finiront par faire fuir les « mineurs » vers d’autres cryptomonnaies, ralentissant alors d’autant les délais de transaction du Bitcoin. Il est donc prévisible qu’une alternative s’impose, mais il est difficile de prédire quand ce que ce basculement aura lieu, vu que le Bitcoin s’apprécie pour l’instant plus vite qu’il ne se tarit.

C’est toutefois l’Ethereum qui est pour l’instant pressenti pour prendre la relève, tant dans l’usage monétaire de la Blockchain que grâce aux nouveaux usages que ce registre partagé permet, comme les NFT.

Enfin, dans le domaine des alternatives, il existe des outsiders à l’image de la June, qui se présente comme une expérimentation grandeur nature, une porte ouverte vers un autre modèle de société qu’il ne tient qu’à vous de venir explorer.

Référence

[1] https://connect.ed-diamond.com/Linux-Pratique/LP-104/Monnaies-cryptographiques-du-Bitcoin-au-LHChome



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Le monde est doté de monnaies basées sur le chiffrement depuis presque une décennie, avec l’invention du Bitcoin en 2008. Le pari était osé : inventer une valeur et il est réussi avec une cote avoisinant les 4000 € en cet automne 2017. Si le cours du Bitcoin atteste de ses qualités (et de la confiance qu’il inspire à ses utilisateurs), il ne saurait éclipser ses défauts, que déjà de nombreuses monnaies alternatives proposent de corriger.

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La place de l’Intelligence Artificielle dans les entreprises

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L’intelligence artificielle est en train de redéfinir le paysage professionnel. De l’automatisation des tâches répétitives à la cybersécurité, en passant par l’analyse des données, l’IA s’immisce dans tous les aspects de l’entreprise moderne. Toutefois, cette révolution technologique soulève des questions éthiques et sociétales, notamment sur l’avenir des emplois. Cet article se penche sur l’évolution de l’IA, ses applications variées, et les enjeux qu’elle engendre dans le monde du travail.

Petit guide d’outils open source pour le télétravail

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Ah le Covid ! Si en cette période de nombreux cas resurgissent, ce n’est rien comparé aux vagues que nous avons connues en 2020 et 2021. Ce fléau a contraint une large partie de la population à faire ce que tout le monde connaît sous le nom de télétravail. Nous avons dû changer nos habitudes et avons dû apprendre à utiliser de nombreux outils collaboratifs, de visioconférence, etc., dont tout le monde n’était pas habitué. Dans cet article, nous passons en revue quelques outils open source utiles pour le travail à la maison. En effet, pour les adeptes du costume en haut et du pyjama en bas, la communauté open source s’est démenée pour proposer des alternatives aux outils propriétaires et payants.

Sécurisez vos applications web : comment Symfony vous protège des menaces courantes

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Les frameworks tels que Symfony ont bouleversé le développement web en apportant une structure solide et des outils performants. Malgré ces qualités, nous pouvons découvrir d’innombrables vulnérabilités. Cet article met le doigt sur les failles de sécurité les plus fréquentes qui affectent même les environnements les plus robustes. De l’injection de requêtes à distance à l’exécution de scripts malveillants, découvrez comment ces failles peuvent mettre en péril vos applications et, surtout, comment vous en prémunir.

Bash des temps modernes

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Les scripts Shell, et Bash spécifiquement, demeurent un standard, de facto, de notre industrie. Ils forment un composant primordial de toute distribution Linux, mais c’est aussi un outil de prédilection pour implémenter de nombreuses tâches d’automatisation, en particulier dans le « Cloud », par eux-mêmes ou conjointement à des solutions telles que Ansible. Pour toutes ces raisons et bien d’autres encore, savoir les concevoir de manière robuste et idempotente est crucial.

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Il est essentiel d'effectuer des sauvegardes régulières de son travail pour éviter de perdre toutes ses données bêtement. De nombreux outils sont disponibles pour nous assister dans cette tâche.
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